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LE JEUNE MORT


Mais l’humble effacement de ton être qui cesse
Vient rendre mon cœur défiant !
J’ai peur de la pesante et rigide paresse
Pour qui rien n’est clair ni bruyant !

Où vis-tu désormais ? Étranger et timide
Combles-tu l’air où nous passons ?
Flottes-tu dans les nuits, lorsque la brise humide
À la froide odeur des cressons ?

Quelle fut ta pensée en ce moment terrible
Où tout se défait brusquement ?
As-tu rejoint soudain, comme une heureuse cible,
L’allégresse des éléments ?

L’azur est-il enfin la suave patrie
Où l’être attentif se répand ?
Rêves-tu comme moi, au bruit mol et coupant
Du rouleau qui tond la prairie ?

— Ô mort que j’ai connu, qui parlais avec moi,
Toi qui ne semblais pas étrange,
D’où vient ma sombre horreur lorsque je t’aperçois
Moitié cadavre et moitié ange ?