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PAROLES DANS LA NUIT

Dans les confus soupirs de la nuit cristalline,
Le bruit léger d’un train faufiler la colline…

Mais mon cœur que l’amour avait exténué.
Hélas ! sent rebondir sa guerrière cuirasse.
Le vent de l’infini sur mon front s’est rué,
Il n’est jamais bien long le temps qui me harasse.
Est-ce qu’un jour mon cœur pourra n’espérer plus ?
J’ai toujours attiré tout ce que j’ai voulu.
Vivre, aimer, endurer, c’est toujours l’espérance :
Si je ne t’aimais pas du fond de ma souffrance,
Je pourrais, mon amour, croire espérer encor
Un autre triste amant dans un autre décor.
Tu comprends, n’est-ce pas, ce que ces mots expriment,
Puisque l’amour permet que l’on rêve tout haut ?
Ne te tourmente pas, mon âme est un abîme
De fidélité triste, immense et sans défaut.
Je suis le haut cyprès, debout sur la pelouse,
Dont la branche remue au pas du rossignol,
Mais qui reste immobile et qui bénit le sol.
Tu rirais de savoir combien je suis jalouse.
Dès qu’un de tes regards semble fixer au loin
Je ne sais quel espoir, par quoi tu sembles moins
Exiger ma prodigue et turbulente offrande.
Mais je t’écoute vivre, et ta faiblesse est grande
Si je compare à toi mon cœur retentissant.
Comprends-moi, l’univers, pensif ou bondissant,