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LE PLAISIR

Plaisir, effarement, puis révélation,
Passage de la mort franchi, clarté soudaine,
Être un dieu ; connaissance, ample précision ;
Puis cette pauvreté de la tendresse humaine !

Et pourtant rien ne vaut que vous, plaisir amer,
Sur qui posent le monde et tout l’humain théâtre,
Amer plaisir, profond tel la profonde mer
Qui porte allègrement les pesantes escadres !

N’est-ce pas vous toujours ces rêveuses lourdeurs
Du printemps pluvieux, ce pépiement d’eau fraîche
Dans la noire forêt, ces subites odeurs
Des bourgeons, crépitant sur les écorces rêches ;
Ce cri d’oiseau avec sa tristesse de cœur,
(Cri ténu et pourtant enflé comme l’orage).
Ce cri d’oiseau, le soir, n’est-ce pas votre ouvrage,
Ô sournois compagnon, solennel et moqueur,
Plaisir, vous qui toujours remplacez le bonheur !