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LES POÈTES ROMANTIQUES


Vous qui, évaluant à l’infini la somme
De ce que nul ne peut étreindre et concevoir,
Ressentiez cependant l’immensité d’être homme
Sous le dôme distrait et fascinant du soir,

Vous qui, toujours louant et maudissant la terre,
Lui prodiguiez sans cesse un amour superflu,
Et qui vous étonniez de rester solitaires
Comme un rocher des mers à l’heure du reflux,

Soyez bénis, porteurs d’infinis paysages,
Esprits pleins de saisons, d’espace et de soupirs,
Vous qui toujours déments et toujours les plus sages
Masquiez l’affreuse mort par d’éternels désirs !

Soyez bénis, grands cœurs où le mensonge abonde,
Successeurs enivrés et tristes du dieu Pan,
Vous dont l’âme fiévreuse et géante suspend
Un lierre frémissant sur les murs nus du monde !