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LE PRINTEMPS ÉTERNEL


« Je suis le dieu qui vaque aux choses éternelles,
« Le Printemps inlassable, et chaque fois plus doux,
« Car jamais le plaisir humain ne se rappelle
« Mon fringant tambourin et mes chantants remous ;

« Je suis ce qu’on ne peut évoquer, tant ma grâce
« Est faite d’un secret que je porte avec moi.
« Je suis ce qui étonne, et l’inquiet espace
« S’emplit en frémissant du parfum de mes mois !

« Je suis, par mon habile et perfide mélange
« De mystique langueur et de désir formel,
« Le moment où la terre et les êtres échangent
« Le plaisir d’être fort, l’espoir d’être éternel !

« Lorsque tout t’apparaît décrépitude et cendre
« Je suis celui qui dit : « Non, tu ne mourras point,
« Ce que le temps abat ma main vient le reprendre,
« Si loin que va la Mort je vais toujours plus loin !

« Non, vous ne mourrez pas, âme et corps pleins de sève !
« C’est moi le fossoyeur, moi l’ami des charniers,
« Moi le terreux Printemps, qui baise et qui soulève
« Les os les plus obscurs et les plus dédaignés !