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L’AUTOMNE

Donne aux pauvres humains la timide espérance
Que la nature penche un instant sur leurs vœux
Son grand battement d’aile, expansif et nerveux,
Où l’âme reconnait sa fougueuse indigence.

— Et pourtant, ô brillant et nombreux Univers,
Tous les morts sont couchés au funèbre revers
De ta belle cuirasse !
Tout ce que je respire est perfide et pervers :
Tes paysages d’or, peints de pourpre et de vert,
Ont jailli de ces sombres masses !
Je ne te tolérais qu’avant d’avoir compris,
Ô Terre ! astre terni parmi les autres astres,
L’injure sans pitié que tu fais à l’esprit.
Lieu de déception et d’infinis désastres !
Enfant, je m’irritais d’appartenir à toi.
Je trouvais ton ciel vide et ton contour étroit.
Et je n’aurais jamais consenti la blessure
De nouer à ton cœur les maillons de mes jours,
Si tu n’avais alors, ô tenace Nature !
Fière de posséder cet éternel recours,
Fait surgir à mes yeux, comme un soleil auguste
Par qui tout est certain, attirant, simple et juste,
L’explosion suave et vaste de l’amour !…