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LA NAISSANCE DU PRINTEMPS


Se peut-il que, vraiment, mon ferme esprit oublie
Tous les forfaits de l’univers
Parce quïvre de jour un fol oiseau délie
Son bec, comme un pépin ouvert !

Quoi ! De l’azur pareil à quelque lac céleste,
Un bourdonnement de chaleur,
L’atmosphère bénigne, et qui fait de doux gestes
De bonté, d’odeurs, de couleurs,

Un silence qui semble épandre une promesse
De familière éternité,
De chauds cocons de fleurs, couvés par la caresse
De la suave immensité.

Serait-ce suffisant pour qu’on perde mémoire
Des pièges sanglants du destin,
Et pour que les sommets rougeoyants de l’Histoire
Se fondent dans un bleu matin ?

Hélas ! Que tout est beau, et que tout nous rappelle.
Sans rien d’usé, rien de terni,
Notre enfance au grand cœur, qui portait devant elle
Son rêve, que rien n’a béni !