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JOUR DE JUIN


Fait jaillir à travers les blanches clématites
Ses bonds de chevreau fol, à sa corde lié ;
Quel rappel de l’enfance en mon âme suscite
Cet humble angélus familier !

Beau jour, le faible soir vous absorbe et vous cède
À la nuit, dont chaque heure est de l’éternité,
Tant ce qui meurt est mort ! Car qui de nous possède
Un seul jour des anciens étés ?

Combien de fois déjà ces pêches azurées
Que sont les cieux dé juin, onctueux, succulents,
Ont-ils nourri avec leurs sèves bigarrées
Mon regard, comme eux opulent ?

Qu’ai-je fait de ces jours dont le suc d’or s’exprime
Sur les yeux éblouis et l’espoir frémissant ?
Ai-je aimé pour eux seuls ces espaces sublimes
Qui voudraient sembler innocents ?

Ai-je d’un cœur dévot, virginal et tranquille
Vénéré dans l’éther les invisibles dieux
Lorsque le soir pâmé étend ses roses huiles
Comme un sanglot voluptueux ?