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LE POÈME DE L’ILE-DE-FRANCE


– Petite aristocrate en des guirlandes rondes,
Pleurant de passion sur des chants de Lulli,
Les roses de vos mains ont parfumé le monde,
L’azur ne semble pas plus doux que votre lit.

Vos tendres bras serrés dans un étroit corsage,
Les yeux plus innocents qu’un candide ruisseau,
Vous jouiez pour le roi Le Devin de Village,
Et vous pleuriez d’amour quand vous voyiez Rousseau.

Vous n’aviez pas de cœur, et pourtant vos doux rêves
Flottaient sur les hameaux, les sources, les moutons ;
Pauvres pâtres heureux, comme votre heure est brève,
Des hommes vont venir, c’est Vergniaud, c’est Danton.

Ô fougues ! ô colère, ô délire, ô jeunesse,
Ô tumulte semblable aux forces de l’amour !
Palais où l’on meurtrit, cachots où l’on caresse,
Clameurs dans l’air léger montant comme une tour !

Graves, leurs longs cheveux collés près du visage,
Debout sur une table au milieu des jardins,
Dans les soirs de juin qu’ils semblent fous et sages
Les sensibles, les chauds, les charmants Girondins.

Premiers éclairs du lourd et du terrible orage,
Que vous aviez d’éclat dans le ciel encor beau,
Tant de rêve, d’espoir, de souhait, de courage,
La voix de Desmoulins, la voix de Mirabeau !