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LE POÈME DE L’ILE-DE-FRANCE


— Ombrage des pommiers parfumant les campagnes,
Routes où vient jouer et rire le vent clair,
Où Corneille enflammé construisait ses Espagnes,
Où Racine passait en composant Esther !

Paysages d’ardeur et de grâce latine,
Petit bourg où Jean-Jacque un soir s’est arrêté,
Terrasse où s’accoudait ce Fabre d’Églantine
Si jeune et si charmant avec son nom d’été ;

Jardins de buis taillés où l’on voyait Voltaire
Courbé, chétif, léger sous un habit marron,
Promener dans sa joie ardente et salutaire
La Princesse de Babylone et le Huron.

Villes de monarchie ou de quatre-vingt-treize,
Couvent des Augustins, club des Vieux-Cordeliers,
Je ne choisirai pas dans la splendeur française
Et je veux, mon pays, tout ce que vous vouliez

Les parcs luisants de marbre et de jeux d’eau sans nombre,
Les temples de Musique où l’on venait languir,
Le clair Palais-Royal où des promeneurs, sombres
Ont mis sur leurs habits « Vivre libre ou mourir. »

Ô clartés des Feuillants, beautés du jeu de Paume,
Immense rêverie au centre du danger,
Et là-bas le touchant, le délicat fantôme
D’une bergère auprès de son tiède oranger !