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ÉVA


Viens dans le bois feuillu, sous la fraîcheur des branches.
Ô pleureuse irritée et chaude du désir,
La nature infinie et profonde se penche
Sur ceux qui vont s’unir et souffir de plaisir.

Vois : c’est pour la joyeuse et grave défaillance
Que l’air est de rosée et d’odeur embué,
Les phalènes légers qui dansent en silence
S’envolent doucement des buissons remués,

Regarde ; la nature, âpre, auguste, éternelle,
Que n’émeut point l’orgueil et le labeur humains.
Palpite dans la nuit et s’éploie comme une aile
Quand l’être cherche l’être au secret des chemins.

Elle qui ne sait pas si sa vigne et ses pommes
Suffiront aux besoins des travailleurs du jour,
Elle tressaille et rit quand les enfants des hommes
Se pressent dans son ombre aux saisons de l’amour.