Page:Noailles - Épisodes de la guerre de Trente ans. Le maréchal de Guébriant, 1913.djvu/465

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
437
la maréchale de guébriant durant son veuvage

de l’Europe ; c’était également flatteur d’être remarqué par elle. Mais pourquoi Cinq-Mars ne prétendrait-il pas à semblable union ? Le duc de Luynes n’avait-il pas joui d’une prodigieuse fortune ! Lui aussi deviendrait duc et pair, connétable, premier ministre, s’il perdait Richelieu. N’était-il pas déjà grand écuyer de France et favori du Roi à l’âge où d’autres débutent modestement dans leur carrière ! Flairant une faveur toujours grandissante et dont ils ne pouvaient encore soupçonner toute la portée, 200 gentilshommes lui servaient de garde d’honneur et le suivaient partout. Les surpassant tous par la noblesse de sa tournure et le charme de sa physionomie, M. le Grand, qu’une telle situation grisait, les écrasait par un faste prodigieux. Les femmes se querellaient à son sujet ; les ministres comptaient avec lui et en étaient assez légèrement traités en retour. Richelieu l’aima avant de le craindre et de le sentir un ennemi, avant de se voir obligé de chercher un moyen de le jeter hors de sa route pour ne pas sombrer lui-même. Ce fut alors, et durant quelque temps, une lutte à mort d’homme à homme, où devait succomber l’un des deux adversaires, l’être incapable et présomptueux ou le grand génie. Cinq-Mars ne se croyait-il pas certain de son ascendant sur le Roi !

En fallait-il davantage pour tourner la tête d’une personne aussi romanesque que Mademoiselle de Nevers ? Comme les autres, elle crut à l’immense avenir de M. le Grand. À son tour, elle s’enthousiasma, flattée même, bien que princesse, d’être distinguée et choisie par un jeune seigneur aussi bien vu du monarque, aussi adulé, tellement en évidence. Elle l’écouta, se persuada que les choses qu’elle souhaitait s’arrangeraient à son gré ; elle mit sa sœur Anne dans la confidence pour faciliter ses entrevues clandestines et de jour et de nuit ; loin de s’effrayer de l’inégalité de rang, elle trouvait un certain attrait à faire le sacrifice de sa naissance à l’homme qu’elle aimait. L’histoire n’offrait-elle pas de nombreux exemples de princesses ayant épousé de simples gentilshommes ! Mais le sort accabla le marquis