Page:Noa noa - 1901.djvu/212

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
211
NOA NOA

Tupapaüs, esprits des morts, larves cruelles,
Qui, dans l’étroite case, en repliant leurs ailes,
Vers la couchette où la peureuse ne dort pas,
Se glissent, froids frôleurs, et chuchotent tout bas :

C’est l’heure des Dieux, c’est soir des Dieux, c’est Soir !
Viens : pour les servir c’est toi qu’ils ont élue.
C’est soir de la mort et de l’amour, c’est Soir !
Viens : pour les aimer c’est toi qu’ils ont voulue.

Tu n’iras plus danser au bord de la mer,
Cueillir en chantant la fleur des lauriers-roses,
Baigner l’or de ton corps à l’or de la mer,
Fondre ton rêve au vague rêve des choses.

Tu ne dormiras plus sous les pandanus, —
Nous allons te saisir entre nos mains creuses :
Les vivants qui [aimaient sous les pandanus
Ont-ils su féconder ta chair amoureuse ?

Ton sang est condamné ! Le temps est venu
Où l’homme doit mourir pour ne pas revivre !
Il a trahi ses Dieux : le temps est venu
Ou dans la nuit de la mort il doit les suivre —