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Fille unique d’une mère de haute stature, solennelle et sentencieuse, elle avait pour père un petit bonhomme amusant qui ne tarissait pas d’anecdotes salées et poivrées. C’eût été un compagnon bien venu chez Boccace, chez Brantôme, chez Marguerite de Navarre. La Fontaine l’eût écouté bouche bée raconter comment un soir, à la fin d’un dîner de noces, il s’était fait cocu lui-même, sans le savoir.

La gaudriole était de mise alors dans la petite bourgeoisie où l’on aimait à rire. La France, nous dit-on, conservait quelque honnêteté parce qu’elle était encore chrétienne. Erreur. La France était encore gauloise et la gaieté nous était comme une salure dans le sang. La Restauration, en introduisant en France l’élément cafard, nous démoralisa. Contes joyeux il y a soixante ans s’échappaient encore des bouches les plus chastes ; des dames de bonne compagnie en savaient et disaient de jolis.

Nos femmes de France fussent restées peut-être dans cette tradition sans la pédante éducation modelée sur celle de Saint-Cyr.

Mme  de Sévigné lisait Rabelais. Que lisent les dames d’aujourd’hui ?

Nés de 1815 à 1820, les vieillards actuels n’ont pas soixante-quinze ou quatre-vingts ans, ils sont