Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/99

Cette page a été validée par deux contributeurs.

M. de Boutin l’aperçut le premier.

Il se leva et s’inclina.

— Veuillez entrer, Mademoiselle, lui dit-il, nous vous attendions.

Elle salua à son tour avec une grâce exquise, quoiqu’un peu raide, et elle fit quelques pas avec la calme majesté d’une reine qui rejoint son trône.

Un siège vide était à côté de Blanche ; elle s’en approcha :

— Vous permettez, Madame ? demanda-t-elle.

Sa voix, au timbre doux et harmonieux comme une musique, était en même temps très ferme.

La jeune femme ne releva pas la tête, mais elle fit un signe de la main.

Le juge la regardait et l’observait avec plus d’attention encore, si c’est possible, qu’il n’en avait mis à regarder et à observer la veuve.

— Madame de Sauvetat vous a sans doute fait part du but de notre visite, Mademoiselle, commença M. Drieux ; il est particulièrement triste et malheureux. Je dois vous avouer, tout d’abord, que les explications données par vous peuvent seules éclaircir les doutes pénibles qui vous entourent.

— Je n’ai pas besoin de tant de circonlocutions, Monsieur, interrompit Marianne. Vous venez m’accuser d’avoir empoisonné M. de Sauvetat, n’est-il pas vrai ? C’est bien, je m’attendais presque à votre visite.

À cette singulière apostrophe, le procureur tressauta ; l’attitude de la jeune fille, hautaine et presque insolente, lui fit perdre la tête.

— Hein ? bredouilla-t-il, empoisonné M. de Sauvetat ?… Vous ?… Est-ce que vous avouez ? continua-t-il avec un accent de regret en voyant l’affaire se simplifier ainsi.