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Elle tomba sur sa chaise, et cachant sa tête dans ses mains :

— Ah ! Seigneur ! murmura-t-elle tout bas, quel épouvantable malheur !…

Les deux hommes se regardèrent.

Tout à coup, au milieu des draperies de la portière subitement relevées, apparut un nouveau personnage.

C’était Marianne.

Dans la demi-teinte de la pièce, on pouvait distinguer son beau visage, d’une pâleur transparente, encadré d’admirables cheveux relevés en couronne au-dessus d’un large front, intelligent et pensif.

Deux grands yeux noirs comme la nuit, profonds et doux, éclairaient des traits d’une pureté qui rappelaient ceux de la Diane antique ; la bouche était petite, mais sérieuse, le menton légèrement accentué. Les sourcils arqués achevaient, en se rapprochant, de donner à cette physionomie d’une incomparable beauté un cachet d’énergie et de sévérité indicibles.

Sa robe de deuil dessinait une taille souple et élancée ; son cou, ses épaules avaient des rondeurs charmantes ; ses mains longues et blanches auraient pu servir de modèle aux mains introuvables de la Vénus de Milo.

Légèrement renversée en arrière, la narine frémissante, la lèvre dédaigneuse, elle regarda tout d’abord la scène qui se passait devant elle.

Sa personne d’une distinction souveraine ne portait pas la moindre trace de l’émotion sous le coup de laquelle était encore madame de Sauvetat.

Son attitude était correcte, un peu froide, mais exempte de frayeur ou de trouble ; sur sa bouche au sourire de sphinx, un observateur attentif aurait pu distinguer une imperceptible nuance d’ironie.