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Madame de Sauvetat releva la tête et regarda le juge bien en face. Dans ses yeux on voyait une douleur indicible, mais une douleur pure et sincère sous laquelle le remords ne pouvait se dissimuler.

— Qui accusez-vous ? demanda-t-elle. Ah ! qu’il me soit donné de venger celui que je n’ai pu sauver !

M. Drieux intervint.

— C’est maintenant qu’il vous faut encore plus de courage, Madame, dit-il ; la personne que nous soupçonnons est celle précisément que vous avez aimée et élevée et qui, après vous avoir volé votre bonheur domestique, a fini par se débarrasser du maître dont le joug lui pesait.

— Marianne ! s’écria Blanche.

— Marianne ! répéta-t-elle encore tout bas, mais si bas, que l’oreille seule du juge l’entendit ; cela devait être !…

Et elle envoya vers le portrait de son mari un nouveau regard d’une éloquence inexprimable.

Tout à coup elle passa ses mains sur ses yeux rougis et son front brûlant, comme pour chasser un souvenir terrible :

— Non, dit-elle avec énergie, plus que jamais tout cela est faux ; Marianne est innocente, la calomnie seule a pu l’atteindre !

Le procureur regarda fixement la jeune femme.

— Le croyez-vous réellement, Madame ? lui demanda-t-il ; nous donneriez-vous votre parole d’honneur que vous en êtes convaincue ?

Madame de Sauvetat hésita l’espace d’une demi-seconde ; qui parut un siècle. Enfin elle ouvrit la bouche. M. de Boutin l’arrêta.

— C’est très grave, Madame, dit-il, prenez garde ; de votre serment dépend une accusation capitale.