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malheur plus grand que le premier. M. de Sauvetat, selon toute probabilité, est mort empoisonné.

Blanche se releva comme secouée par une décharge électrique : sa main, d’abord crispée, s’ouvrit brusquement et laissa tomber le mouchoir qu’elle tenait ; ses yeux horriblement dilatés se fixèrent avec une terreur affolée sur M. de Boutin.

Le juge scrutait chaque fibre de ce visage si étrangement bouleversé. Il vit une subite épouvante, de la surprise, de la douleur, de l’ahurissement même, pas autre chose.

Quant à la confusion et à la terreur que devait amener chez le coupable une semblable nouvelle, nulle trace.

— Est-ce de la force ou de l’innocence ? se demanda le magistrat au-dedans de lui-même. Ô ma volonté, aide-moi donc à le découvrir !

Mais elle prenant convulsivement sa main :

— Que dites-vous ? balbutia-t-elle de sa voix éteinte que le désespoir faisait siffler. Quelle horrible et nouvelle torture m’apportez-vous ?…

Elle se renversa sur la chauffeuse en tordant ses bras et suffoquant dans ses sanglots.

M. Drieux regardait le juge et lui faisait de muets reproches sur ses injustes préventions.

Celui-ci, le front légèrement incliné, la figure grave, effrayante même de sévérité, observait toujours.

Tout à coup Blanche se redressa ; ses spasmes s’étaient apaisés ; les pleurs qui noyaient ses paupières un instant auparavant semblèrent se sécher sous le feu qui venait de s’allumer au fond de ses prunelles.

— Le nom du coupable ? demanda-t-elle d’un ton bref ; vous allez me le dire, n’est-ce pas ? je veux le savoir.