Sauvetat. Ah ! pour le coup, mon cher juge, je crois bien que le chagrin de voir la famille de votre ami compromise, vous tourne la cervelle, vous devenez fou… Oh ! madame de Sauvetat…
Et le procureur leva les yeux au ciel.
— Voyons, continua-t-il avec l’accent dont on parle aux enfants révoltés, voulez-vous vous donner la peine de raisonner avec moi.
Quel intérêt madame de Sauvetat avait-elle à se débarrasser de son mari ?
Elle l’aimait profondément, on ne lui a jamais connu de passion ni même d’affection en dehors de lui.
Quant à une vengeance, il n’y faut pas penser ; son honnêteté ne lui a certainement jamais permis de pénétrer les mystères existants entre le tuteur et la pupille.
— Je le crois bien, il y avait des raisons pour cela ! affirma M. de Boutin.
Le procureur continua :
— M. de Sauvetat ne lui a jamais rien refusé, et était parfait pour elle ; elle avait accepté la deuxième place dans sa maison ; peut-être par apathie, peut-être parce qu’elle savait inutile de lutter contre un homme qu’elle connaissait aussi entier, aussi résolu que possible.
— La deuxième place ! répliqua M. de Boutin ; mais vous vous trompez : Marianne administrait l’intérieur parce que madame de Sauvetat le voulait bien, et que cela la déchargeait probablement d’une tâche ennuyeuse ; mais Blanche avait bien le premier rang partout et toujours, croyez-le.
— Vous êtes en désaccord avec toutes les personnes qui ont pénétré dans la famille, et qui assurent que Marianne était l’unique, l’absolue maîtresse en toutes