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— Je ne comprends pas, s’écria-t-il enfin, je ne comprends pas !… Qui accusez-vous ? nommez-la, je le veux !

— Ah ! je n’en ai guère besoin, dit l’autre, vous l’avez bien désignée en même temps que moi.

— Marianne ! exclama M. de Boutin en retombant inerte sur son fauteuil, c’est Marianne que vous accusez ! Marianne, la pureté, la grandeur incarnées ! Mais on vous a indignement trompé ! C’est faux, c’est horriblement faux ! C’est impossible !…

— Impossible ? pourquoi ? Ignorez-vous que cette fille, aussi perverse que belle, avait eu l’adresse de se faire donner 50,000 francs par M. de Sauvetat, et que la mort de ce dernier lui assurait la jouissance immédiate de cette somme ?

— Je sais cela, répondit le juge. Mais ce legs serait-il deux fois plus considérable, est-ce pour 100 ou 200,000 francs qu’on se défait de l’homme qui vous a servi de père lorsqu’une fortune comme celle de Jacques Descat est à votre disposition ?

M. Drieux sourit finement.

— On ne se défait pas de son père adoptif pour une somme d’argent, dit-il plus bas, mais on se défait pour rien d’un amant, qu’on sait capable de vous empêcher à tout prix d’appartenir à celui que l’on veut pour mari, à celui qui doit vous donner une position régulière, un nom, une fortune.

— C’est faux ! accentua de nouveau M. de Boutin. Pour parler ainsi, vous n’avez jamais vécu dans la famille de Sauvetat ; vous ne savez pas quelle affection sainte unissait le tuteur et sa pupille. Du reste, il y a quelques années, pourquoi aurait-elle brisé son mariage, de sa pleine volonté, si elle avait dû le renouer aujourd’hui par un crime horrible ?