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l’un après l’autre, ses pieds mouillés à l’âtre flamboyant.

— Pendant que là-bas, cher monsieur, dit-il enfin, vous étiez absorbé par vos sombres méditations, le docteur me prévenait que vu la gravité de l’affaire, deux autres experts devenaient indispensables.

— Je le comprends, fit le juge ; devant une telle responsabilité, les plus braves doivent reculer.

— C’est mon avis. Veuillez donc désigner les personnes que vous désirez leur adjoindre. Ces messieurs commencent ce soir leurs expériences médico-légales, et il me semble qu’il serait bon de leur éviter tout retard.

— Vous ont-ils parlé de quelques-uns de leurs confrères de préférence à d’autres ?

— Oui, M. Despax demande Viguebel, le pharmacien.

— Pauvre choix, observa le juge, en avançant les lèvres.

— Il n’y en a guère d’autres, continua le procureur, M. Gaste désirant avoir Orphée Labarbe, le médecin.

— Soit, fit M. de Boutin tout aussi bien, le deuxième fait passer par sa valeur sur la nullité du premier.

— Ainsi, reprit-il avec un profond soupir, c’est fini !… Voilà le scandale arrivé ; demain le pays entier dira que M. de Sauvetat a été empoisonné. Peut-être ira-t-on jusqu’à désigner son assassin ! Dans tous les cas, ce nom, si pur jusqu’ici, va être à jamais sali !… Et qui sait si on ne le traînera pas dans la boue !…

M. de Boutin s’arrêta comme s’il regrettait ses dernières paroles.

Mais le procureur, tout à son idée, n’avait pas saisi la nuance plus intime, ou la pensée plus profonde qu’avait eue le juge, il s’empressa de répondre :

— Vous êtes singulier ! un autre que moi croirait que