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s’y consacrait entièrement et eût-il fallu sacrifier toute sa vie à la faire triompher, il n’eût pas hésité.

Mais avant de condamner les opinions d’un autre pour y substituer ses propres appréciations, que de luttes, que de tourments, que d’analyses de ses sentiments les plus intimes, que de scrupules enfin !

M. Drieux connaissait bien cette délicatesse exquise, et la plupart du temps il essayait de la faire tourner au profit de ses secrètes ambitions.

Jusqu’ici, les affaires qui s’étaient présentées, depuis l’arrivée du procureur, avaient été si peu importantes, que la lutte entre les deux natures s’était à peine affirmée.

Pour la première fois, elle prenait une certaine proportion. Si le juge avait écouté M. Drieux, les mandats d’amener auraient été lancés dans tous les sens, une heure après la visite de M. Larrieu.

Aussi, avant de vouloir connaître les personnes accusées par le procureur, avant de lui laisser prononcer un seul nom, M. de Boutin avait-il essayé d’éviter le plus de scandale possible.

Pour cela il s’était armé de la double autorité de sa position et de sa personnalité, et il avait exigé, avant tout, la recherche de l’empoisonnement.

Il pensait d’ailleurs que l’ambitieuse imagination de M. Drieux avait considérablement exagéré le récit du minotier.

Même après leur conversation avec M. Gaste, il n’était pas convaincu, mais, rentré chez lui, dans le silence de la nuit, la question sembla se présenter à lui sous un aspect différent, et des doutes vinrent l’assaillir.

M. de Sauvetat avait été un de ses meilleurs amis ; il lui avait recommandé sa fille en mourant, avec une insistance toute particulière.