Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/59

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cureur, j’ai de bien graves choses à vous communiquer ce matin.

— Ah ! fit M. de Boutin. Quoi donc ?

— Nous sommes en présence d’une terrible affaire et qui va avoir un immense retentissement.

Il y avait longtemps que M. de Boutin était habitué à cette entrée en matière de la part de son ambitieux confrère, aussi répondit-il avec un léger sourire d’incrédulité :

— Encore quelque prévention d’empoisonnement ou d’assassinat, n’est-ce pas ?

Le procureur le regarda avec un éclair de triomphe dans les yeux.

— Vous l’avez dit, fit-il, un empoisonnement et… qui fera du bruit.

— Allons donc vous voyez des crimes partout ; je ne comprends pas cette rage.

— Je soupçonne des crimes partout ! Eh bien, vous allez me dire ce que vous pensez de celui-ci : M. de Sauvetat est mort empoisonné.

Il n’avait pas fini de prononcer ces quelques mots que M. de Boutin était debout, plus pâle que sa cravate blanche, ses mains crispées sur le dossier du fauteuil, tremblaient convulsivement, sur ses traits bouleversés, on pouvait voir une épouvante qui touchait au délire.

Enfin sa gorge contractée put laisser passer quelques paroles.

— M. de Sauvetat, articula-t-il, Lucien de Sauvetat, lui !… lui… empoisonné ! C’est absurde !

Il eut un éclat de rire nerveux qui était déchirant.

— Avouez, dit-il, après un violent effort, que vous avez voulu m’effrayer, n’est-ce pas ? Eh bien, vous y êtes parvenu.