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Ces lampes plates, aux quatre coins retournés, avaient chacune une mèche fumeuse donnant une faible lueur. Mais toutes ces minces lumières réunies et jointes aux rouges flambées de l’âtre donnaient à la pièce, avec une clarté suffisante, un aspect des plus joyeux.

D’un côté de la table, les femmes bavardaient et filaient le lin que le tisserand devait transformer en belle toile de ménage ; de l’autre, les hommes jouaient au foudroyant, le jeu préféré du pays.

Les demandes à carreau, trèfle ou cœur se succédaient, les discussions violentes éclataient subitement, les enjeux se renouvelaient, mais tout cela sans empêcher les joueurs de se mêler aux conversations des femmes.

Du reste, un petit vin roux, doré comme un renard, circulait dans une bouteille haute de deux pieds, et loin de tarir la verve gasconne, la liqueur vermeille l’endiablait.

De belles filles, aux yeux brillants comme des diamants noirs, écoutaient les douces paroles que les jeunes gens murmuraient tout bas à leurs oreilles. Les hommes qui ne jouaient pas fredonnaient le refrain à la mode d’alors, à propos de l’élection du maire qui devait remplacer M. de Sauvetat.

Tout à coup, du groupe des femmes qui travaillaient, une voix s’éleva.

— Est-ce vrai, Laborde, ce que raconte Ménine ? demanda-t-on au maître du lieu.

— Quoi donc ? interrogea celui-ci.

— Elle prétend que l’autre jour, en mettant Victor Dufau dans sa nouvelle tombe, vous l’avez retrouvé les poings rongés !

— Il a donc été enterré vivant ? exclama la grande Mariette.