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si pour la protéger ou la sauver, il n’allait pas tout anéantir et tout briser autour d’elle.

Pendant quelques minutes on n’entendit que le bruit des sanglots de Marianne.

Mais reprenant la parole, elle s’arracha à sa farouche méditation :

— Mon ami, dit-elle avec un accent doux comme le son d’une harpe brisée, je vous ai dit hier : À toujours !… Je ne changerai pas. Aujourd’hui je vous demande une preuve d’amour, terrible, je le sais, mais imposée par une volonté inexorable ; me la refuserez-vous ?

Ces paroles qu’accentuaient encore les larmes qui l’étouffaient, bouleversèrent Jacques.

— Mais au nom du ciel, s’écria-t-il, en s’arrachant les cheveux, dites-moi un mot, un seul, ne me désespérez pas tout à fait. Laissez-moi un rayon d’espoir, et quelque léger, quelque lointain qu’il soit, je m’en contenterai. Mais au nom de votre mère, retirez ce mot terrible : « Jamais !… »

— Ma mère ! murmura-t-elle avec un accent indéfinissable.

Elle laissa tomber sur son sein sa belle tête anxieuse et tourmentée.

Ce souvenir parut lui donner une force nouvelle et vaincre ses dernières hésitations.

— Il ne m’est permis de vous dire qu’un seul mot, Jacques : Si je ne suis pas à vous, je ne serai à personne. Hélas ! un nouveau devoir pour lequel je dois et je veux rester seule me réclame aujourd’hui tout entière. Durera-t-il autant que ma vie ? C’est tellement vraisemblable, que je vous rends votre parole.

— Mais ne pouvons-nous être deux à le remplir, ce devoir ? Quelque pénible qu’il soit, ne savez-vous pas que mon dévouement peut tout accepter ?