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mystère dont la connaissance entraînerait la perte morale de ma fille.

« Toutefois, ma conscience m’ordonne de faire cette déclaration que je confie à l’honneur de Marianne, lui enjoignant de s’en servir si, malheur terrible entre tous, un innocent était accusé du crime de Blanche d’Auvray. J’espère que Dieu, en échange de cette mort que j’accepte, préservera ma fille bien-aimée de cet immense malheur, et qu’elle pourra vivre heureuse et honorée, sans que nul soupçonne le crime de sa mère.

« Lucien DE SAUVETAT. »

— Ah ! s’écria Marianne sanglotant et pleurant, comprenez-vous pourquoi, Jacques, j’ai déchiré votre cœur, pourquoi je me suis laissé accuser et condamner, pourquoi je suis partie ?

Il était mort, lui, pour sauvegarder sa fille, et laisser notre nom intact. Et moi, moi, qui étais la vraie mère de Marguerite, moi, qui avais juré de veiller sur elle, moi à qui appartient aussi ce nom que notre père nous a légué sans tache, pouvais-je dévoiler cette trame infâme ? pouvais-je déshonorer ma pauvre petite, l’avilir et briser sa vie ? Oh ! non, non, ce n’était pas possible !

— Et c’est pour être fidèle au devoir, à l’honneur, à la plus exquise loyauté, à toutes ces vertus que vous tenez de votre père, ma fille, dit M. de Boutin d’une voix émue, que vous avez accepté une accusation monstrueuse et imméritée ; au nom de tous les gens de cœur, de tous ceux qui comprennent la vraie grandeur et le sacrifice, je vous vénère et vous bénis.

— Hélas ! reprit Marianne, à quoi ont servi mes souffrances et ma honte, à rien, à rien !… Marguerite est morte !…

Elle se rapprocha de Blanche qui avait la tête cachée dans ses mains.