Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/436

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans le placard de ma chambre, monsieur le président, fit Marianne en s’adressant à M. Drieux.

Celui-ci leva les yeux au ciel ; la surprise lui enlevait la voix.

De plus en plus émue, la fiancée de Jacques continua :

— Je m’élançai vers mon frère, je m’emparai de cette fiole, je l’ouvris, je goûtai son contenu :

— Ah ! m’écriai-je, de l’extrait de Saturne ! Vite, un médecin, un médecin !…

Il m’attira vivement vers son lit de douleur ; et m’arrachant le fatal liquide à son tour :

— Malheureuse, ordonna-t-il d’une voix impérieuse, tais-toi, tais-toi !

— Mais tu sais donc ce qu’il faut employer pour te guérir !… Quel contre-poison dois-je aller chercher ?… Vite, dis vite… lequel ?… je meurs…

— Aucun.

— Aucun !… Mais alors ! alors !… mon Dieu !…

Je le connaissais, je commençais à comprendre.

— Alors, reprit-il, avec un accent de résolution impossible à rendre, je dois mourir.

Je sentis ma raison s’en aller :

— Mourir ! m’écriai-je éperdue ; mourir, toi, mon frère bien-aimé ! Oh ! je ne veux pas ! Au nom de notre père, grâce !… grâce !…

Il se releva calme, solennel, impitoyable.

— Mon honneur est souillé, dit-il ; pour le laver, il fallait une vie humaine ; que Dieu prenne la mienne et épargne ma fille !…

Sa fille !… J’espérais le fléchir en lui parlant d’elle.

Il eut un triste sourire.

— C’est encore, au fond, pour elle que je meurs, fit-il ; à quel homme sur terre veux-tu que j’ose confier