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Je cherchai à le calmer, à lui tout expliquer ; je m’accrochai au mariage de Marguerite comme une noyée aux branches ; j’étais sûre au dernier moment de trouver un moyen de le dénouer, mais, ce qu’il me fallait d’abord, c’était gagner du temps.

Lucien flairait la vérité, mes raisonnements ne l’ébranlaient pas.

J’étais folle, je redoutais tout, je prévoyais tout ; j’aurais donné ma vie pour débrouiller cette horrible situation sans scandale et sans bruit, surtout sans douleur pour M. de Sauvetat.

Il attendait, lui, le résultat de son épreuve, calme comme le droit, résolu comme la justice, prêt à tout, surtout à venger son honneur outragé.

À certains moments, cependant, son amour reprenait le dessus, il s’attendrissait :

— Il y avait seize ans que je l’estimais, me disait-il, et je l’aimais tant !… Ah ! si je pouvais m’être trompé !…

Marguerite était venue le 10 décembre à Roqueberre ; dans la nuit du 12, M. de Sauvetat fut pris de coliques et de vomissements.

M. Delorme, appelé sur-le-champ, diagnostiqua le retour d’une ancienne maladie de foie.

Je ne vous raconterai pas tout ce qui suivit ; vous connaissez les détails extérieurs, si je puis parler ainsi, et surtout le dénoûment de cette suprême douleur !…

Je veillais M. de Sauvetat sans le quitter un seul instant. Mais, chose étrange malgré toute ma volonté, chaque matin, vers quatre heures, je m’assoupissais ; un invincible sommeil fermait mes paupières. Deux heures après, lorsque je m’éveillais, M. de Sauvetat se tordait dans d’intolérables souffrances ; puis la journée se passait relativement calme, la soirée était presque bonne.