Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/428

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tard celui qu’elle trahissait, et de me consacrer tout entière à lui et à sa fille, je dus, ce jour-là, briser des liens qui tenaient au plus profond de mon cœur, je dus renoncer à tout ce qui était pour moi le bonheur sur terre !…

Elle devint encore plus pâle en prononçant ces mots, et pour la première fois sa voix trembla.

Toutefois, elle se remit et continua :

— Mon frère était loin d’avoir gardé sur sa femme toutes les illusions des premiers jours.

Il la trouvait légère, insuffisante, frivole.

Il aurait voulu que la trentième année mûrisse la femme et la mère. Il faisait souvent des observations sur le besoin de distractions incessantes, de fêtes et de bruit que ressentait Blanche. De là quelques nuages et de légères querelles grossies par la malveillance publique.

Mais, à part ces reproches peu graves, il la croyait loyale. Soupçonner sa femme, la mère de Marguerite, c’est une idée qui jamais ne serait venue à l’esprit de M. de Sauvetat.

Le 7 décembre 1863, il y avait une réunion nombreuse ici, dans ces mêmes salons.

On causait, on jouait, on discutait sur toutes choses. Les plus graves questions succédaient aux plus futiles anecdotes.

Entre autres propos, on se mit à agiter l’éternel problème du bonheur et du droit des femmes dans la société moderne.

M. de Sauvetat, au milieu des vérités ou des paradoxes plus ou moins acceptables de chacun, vint apporter son opinion sur l’idée qu’on débattait, et cela, avec la décision énergique et franche qui était la base essentielle de son caractère.