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pas ces quelques mots du magistrat, elle ne vit que le mouvement : elle crut qu’il hésitait ; aussi elle reprit des forces :

— Oui, s’écria-t-elle, je vous mets au défi, vous, monsieur Descat, tous tant que vous êtes, amis ou ennemis, d’apporter un seul témoignage sérieux contre mon honneur de femme et de mère.

Mais parlez donc, je vous écoute. Lequel de vous peut montrer une preuve, lequel peut dire que je n’ai pas été une épouse irréprochable, que je n’ai pas soigné mon mari comme le devoir me le commandait, que je ne l’ai pas pleuré et regretté ?…

Et ma fille ! Cette enfant de mes entrailles, est-ce que je n’aurais pas donné ma vie pour elle ?

Oh ! oui, méconnaissez-moi, accusez-moi ! c’est facile ! Il y a longtemps, du reste, que je m’attendais à ces monstruosités de votre part ! Je supporterai vos injures sans que ma dignité en soit atteinte, parce que je sais que nul ne vous croira.

On me connaît et on me rend justice !…

Tous ceux du pays qui m’ont vue naître et grandir, savent bien que ma pauvre mère est morte de chagrin de m’avoir mariée à un être indigne qui m’a fait souffrir dans tout ce que la femme a de cher et d’intime.

Tout le monde m’a rendu justice, personne ne doute que cette Marianne, votre idole, ne soit venue chez moi pour y porter le trouble et le désordre ; on sait qu’elle était la maîtresse de mon mari, que tous les deux m’imposaient de force leurs horribles relations !…

— Taisez-vous, vous, Madame, taisez-vous ! cria Jacques hors de lui ; je vous l’ordonne !…

Mais elle se drapa dans une dignité froide et parut enfin laisser échapper de son cœur le secret d’un désespoir longtemps contenu :