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Marguerite regarda un instant Blanche de ses grands yeux fixes et clairs.

— Embrasse-moi, ma chérie, dit celle-ci en se penchant sur la fillette.

Tu ne reconnais pas maman ? insista madame de Sauvetat d’un ton caressant et doux.

Mais la petite convalescente ouvrait de plus en plus les yeux ; elle ne comprenait pas.

— Maman, répéta-t-elle, ce n’est pas toi ; c’est Manne, maman ; elle ne m’a jamais quittée, elle !…

Et un éclat de rire douloureux et plaintif termina la phrase.

Marianne s’approcha de l’enfant et la soigna comme elle le faisait dans toutes ses crises ; celle-ci passa vite.

Ce qui ne passa pas, ce fut l’impression que ces quelques mots de sa fille adoptive produisirent sur celle qui s’était dévouée. Elle l’aimait déjà ; mais depuis ce jour l’enfant fit vraiment partie d’elle-même.

L’année suivante, Marguerite fit sa première communion, et après les vacances sa mère l’accompagna dans le pensionnat de Bordeaux où elle devait terminer ses études.

Ce départ rendit Marianne malade.

Ce n’est pas que son cœur se brisât seulement à l’idée de vivre loin de l’enfant qui avait grandi dans ses bras, et dont elle se sentait la vraie mère ; mais elle avait comme le pressentiment que le chagrin et le deuil allaient venir s’asseoir à la place que la mignonne avait laissée vide. Elle ne se trompait pas.

Jacques Descat, malheureux de la tristesse et de la mélancolie de sa fiancée, insistait pour que M. de Sauvetat fixât une date prochaine à leur mariage.

— Quand elle voudra, dit Lucien, sa volonté est la mienne.