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dire l’homme que Jacques estimait et vénérait plus que tout autre sur terre.

Après lui, qu’avait-il à apprendre ?…

Avec une délicatesse et une franchise sans nom, le jeune homme ouvrit donc son cœur à M. de Sauvetat, et lui demanda la main de sa pupille.

Et, comme celui-ci commençait une explication :

— Ne me dites rien, l’interrompit Jacques, laissez-moi, d’abord, me faire aimer d’elle, je n’ai le droit de rien apprendre sur son origine, avant qu’elle ne consente elle-même, à me dévoiler, ou à me confier ses secrets.

L’époque du mariage ne fut pas encore fixée, mais chacun dans le pays, savait bien que ce n’était qu’une question de date.

Jamais Marianne n’avait dit à Jacques qu’elle l’aimait… Est-ce qu’il en était besoin ?

Son grand œil de feu, qui s’illuminait lorsque le jeune homme arrivait, sa conversation sérieuse et réfléchie, mais en même temps la traduction immédiate de la pensée secrète de Jacques, la loyale pression de sa petite main moite, avaient bien une autre éloquence que n’importe quelle parole.

Souvent, le jeune avocat avait ouvert la bouche pour demander un aveu à sa fiancée ; pas une fois le premier mot n’avait pu sortir de ses lèvres.

Cependant, un soir, M. de Sauvetat était absent de Roqueberre, Blanche, ayant affaire dans l’intérieur de la maison, les avait laissés seuls sur la terrasse ombragée de grands arbres, et au fond de laquelle on entendait gazouiller la Beyre, la plus jolie rivière du monde, aux bords accidentés et fleuris.

C’était au mois de mai ; dans l’air attiédi on ne sentait aucun souffle. À peine si quelque brise fugitive,