Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/375

Cette page a été validée par deux contributeurs.

devenait vieux, et de précoces infirmités le forçaient à ne pas se mêler aux menées ambitieuses de l’émir.

En effet, au bout de quelques jours d’anxiété générale pour tous et d’appréhensions mortelles pour Chériffa, M. de Sauvetat revint.

Durant les années troublées de 1839 à 1844, ses absences furent rares, il trouva le moyen de quitter à peine la vallée.

La petite Miriam grandit donc dans un calme relatif, bercée par l’amour de son père, adorée de sa mère. Son intelligence, mais surtout son cœur, se développaient en présence de cette nature admirable, dont la force inépuisable et la splendide végétation constamment renouvelées mettaient dans son âme des principes de sérénité et d’énergie éternelles.

L’affection de Chériffa et de Pierre, devenu général, se cimentait et s’approfondissait encore.

La fille des Maures avait maintenant toutes les grâces, tous les charmes d’une Française ; la volonté lui avait tenu lieu d’usage. Seule, elle avait tout deviné, tout acquis.

Elle parlait le français avec une légère hésitation qui, dans sa bouche, avait un charme inexprimable. Elle savait marcher et s’asseoir comme les Européennes.

Lorsque son mari était dans la tribu, elle revêtait pour lui seul des costumes arrivés de France, et son aisance à les porter ravissait le général.

— L’Algérie sera bientôt pacifiée, nous l’espérons tous, disait-il-à la jeune femme ; alors, ma Chériffa, je raconterai à ton père ce que nous lui avons caché jusqu’à ce jour ; il acceptera ma nationalité, car il m’aime, j’en suis sûr. Béni par lui, je t’amènerai en France, dans mon vieux château de Gascogne !… Quelle belle châtelaine vous ferez là-bas, Madame,