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À ce moment, sans prononcer une parole, sans pousser un soupir, Marianne tomba à la renverse dans le vestibule, inanimée et presque morte.

M. de Sauvetat accouru en toute hâte, la releva lui-même et la transporta avec Cadette, la nourrice de Marguerite, dans la chambre de la jeune fille. Là, pendant huit longs jours, elle fut entre la vie et la mort, privée de toute raison, et parlant constamment dans une langue inconnue que nul ne comprenait, mais où revenait sans cesse le nom de Marguerite.

Sa forte constitution seule la sauva, car il fut impossible de lui faire avaler aucun remède ; elle guérit et parut se résigner à l’absence de son idole.

Mais à partir de cette époque, on entendit parler de quelques nuages qui s’élevaient dans le ciel jusque-là si bleu de la famille de Sauvetat.

Blanche continuait à être le modèle des femmes, gaie, sereine et douce, entourant son mari d’affection ; et le public ne manqua pas de maudire l’étrangère à laquelle il attribuait le malheur de la belle éprouvée. On affirmait que l’indiscutable beauté de Marianne avait séduit son tuteur, et que, privée de Marguerite, elle avait reporté sur le père toute la passion qu’elle avait éprouvée jusque-là pour la petite exilée.

M. de Sauvetat, plus hautain, plus froid que jamais, n’avait pas l’air de connaître ces bruits de petite ville, et personne n’aurait osé lui en parler à coup sûr. En définitive, on ne savait rien de positif et de certain. Les femmes de chambre avaient raconté qu’une nuit, M. de Sauvetat étant à la campagne, une scène violente avait eu lieu entre Blanche et Marianne. À la suite de cette altercation, madame de Sauvetat avait gardé le lit plusieurs jours.