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leur nom, dans tout le territoire qui leur avait été concédé.

Les descendants de Muzza vécurent ainsi, puissants et considérés, gardant à travers les siècles comme souvenir de leur aïeul son immortelle devise : Tout pour la patrie et le devoir !…

Ils n’avaient qu’une femme ; en temps de paix ils cultivaient leur terre essentiellement productive et féconde ; ils portaient à Tlemcen les laines de leurs troupeaux, les olives, les dattes, les fruits abondants savoureux de leurs jardins, les lièges qui croissent sur l’Atlas, enfin des fourrures sans pareilles et des parfums aussi subtils que ceux de l’Arabie.

Établis presque sur les confins de la Kabylie, entre les Berbères remuants et les brigands du Maroc, ils avaient su se faire craindre, et la tribu des Beni-Muzza, en 1830, formait un petit royaume aussi puissant que riche.

Car les premiers chefs avaient rapporté d’Espagne le raffinement de civilisation, le goût des sciences et la littérature arabe, qui étaient en si grande faveur à la cour de Grenade. Ils cultivaient, avec non moins d’ardeur, la médecine, et les sciences naturelles.

Toutes ces connaissances, fruits de la haute intelligence de Muzza et de ses fils, se transmirent dans la vallée, de génération en génération, et conservèrent à la tribu des qualités essentielles de puissance, de bravoure, de force, d’énergie froide et contenue, en même temps qu’elles développaient chez elle l’intelligence du progrès et de la civilisation occidentale unie aux instincts de sa propre race.

En 1830, le chef de la tribu se nommait Muzza ben Noséir. Il était déjà âgé, et d’une nombreuse famille il ne lui restait qu’une fille aussi belle qu’aimée.