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rait complète et absolue. Ah ! je savais bien que ma constance et ma volonté lasseraient la force des choses et amèneraient les événements vers nous ! L’heure de t’arracher à la honte, à l’infamie est sonnée ; en venant ici réclamer ma femme et mon trésor, suis-je parjure ?

— Marianne avait écouté, ravie d’abord ; ces paroles ardentes éveillaient tous les échos endormis de son cœur ; cette expression brûlante et vraie de sentiments qui étaient aussi les siens la ravissait.

Et puis ce Jacques qu’elle n’avait pas vu depuis si longtemps était là. Que c’était bien toujours lui, cet unique amour de sa jeunesse et de sa vie ! Lui, avec son grand front que les soucis éprouvés pour elle avaient dénudé, ce front encore plus beau qu’autrefois, ces yeux bleus, ardents et doux, dont chaque regard était une protestation d’amour, cette voix aux inflexions tendres, molles, suaves comme autant de caresses !

Palpitante, elle allait se jeter à son cou, lui demander pardon de sa sévérité, de son égoïsme.

— Prends-moi ! allait-elle lui crier ; l’épreuve est au-dessus de mes forces. Souffrir n’est rien pour moi ; mais voir sur tes traits adorés le stigmate de la douleur et de l’angoisse, non, je ne le veux pas. Devant toi, je le sens, il n’y a plus ni devoir, ni serments, ni honneur, il y a toi, mon bien suprême ; ton amour me consolera de tout. Hors de toi, rien ne m’est plus, plus ne m’est rien !

Mais aux derniers mots de Jacques, Marianne releva la tête ; l’heure de la réhabilitation était arrivée ?… Laquelle ? Sans savoir pourquoi elle tressaillait de la tête aux pieds ; ses yeux interrogateurs se fixèrent sur le jeune homme.

— Que voulez-vous dire ? demanda-t-elle tremblante ; je ne comprends pas.