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— Je ne le comprends absolument pas, répondit madame Larroche.

Marguerite s’était soulevée.

— Laisse-nous un instant, ordonna-t-elle à Cadette.

Celle-ci obéit.

— Ô ma mère ! c’est tout ce que vous trouvez à dire devant mon lit de mort, fit-elle la voix entrecoupée ! Vous ne m’avez donc jamais aimée, même après le mal que vous m’avez fait ?

Puis d’un accent plus ferme :

— Tout ce que j’ai appartient à Marianne, dit-elle, il me semble que si mon pauvre père vivait, il me conseillerait de lui tout donner, c’est un devoir !

Comme elle finissait ces mots, on entendit dans le corridor le pas net et accentué de Jacques ; il venait reprendre son poste.

— Je tâcherai d’oublier ce que vous m’avez demandé, ma mère, dit Marguerite ; pas un mot devant lui, je vous en supplie.

Et elle retomba mourante sur ses oreillers.

Vers le soir seulement, elle s’endormit d’un sommeil lourd, plein de rêves étranges, de rougeurs subites, effacées par des pâleurs de plus en plus livides.

Madame Larroche l’avait quittée depuis longtemps.

Elle parlait dans son assoupissement et semblait de temps à autre répondre à un être visible pour elle seule : c’était son père. On le devinait à ses paroles :

— Je vais te rejoindre, disait-elle, je vais te revoir… Je n’ai pas fermé tes yeux… Jacques fermera les miens !… il a été tout pour moi : mon soutien, mon ami, mon père, mon frère !… Le fiancé que tu m’avais choisi, elle me l’a volé… elle !… qui m’as tuée comme elle t’a tué !… Oh ! pardonne-lui… pardonne-lui !…

Et d’ardentes supplications succédaient à des soupirs