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À la vue de celle-ci pâle, le nez pincé, un large cercle de bistre entourant des yeux brillants de fièvre, la main sèche et brûlante, le docteur sentit un frisson passer en lui ; mais habitué à prononcer journellement des arrêts de mort, il ne laissa rien soupçonner de ses impressions intimes.

Il fit à la jeune fille quelques questions.

— Voulez-vous me permettre de vous ausculter, Mademoiselle ? demanda-t-il ensuite.

— Volontiers.

Elle tendit sa poitrine oppressée au savant qui, minutieusement, la physionomie impassible et muette, les yeux à demi fermés, comme pour mieux voir ce qui se passait dans ce pauvre cœur brisé, demeura ainsi longtemps, écoutant, palpant, cherchant le mal.

Enfin il se releva ; il était aussi pâle que sa malade, mais il souriait.

— Oh ! les jeunes filles ! fit-il en la menaçant doucement du doigt, elles sont bien toutes les mêmes !… Une petite contrariété, moins que cela, un rêve, et voilà ces pauvres cœurs qui courent la poste et battent la chamade. Mais vous allez être bien sage, maintenant, n’est-ce pas ? Mademoiselle, et suivre mon ordonnance. M. Delorme a raison, ce ne sera rien.

Marguerite avait encore sur les lèvres son mystérieux sourire. Le docteur écrivit une longue pancarte de remèdes qu’il laissa sur la table.

— Adieu, Mademoiselle, fit-il en s’inclinant, n’oubliez pas mes recommandations.

Elle lui tendit la main.

— Merci, dit mademoiselle de Sauvetat, en l’attirant doucement vers elle, vous êtes bon, mais c’est inutile, je sais à quoi m’en tenir.

Le docteur pâlit encore ; il appuya ses lèvres sur le