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La prisonnière, étonnée, suivit madame de Ferreuse. À son arrivée dans la cellule, Marie l’embrassa à plusieurs reprises :

— Ma chérie, lui dit-elle, veux-tu me rendre très heureuse ?

— Parlez, vous savez bien que je suis toute à vous.

— D’abord nous sommes sœurs, le vous n’est pas admis ici.

Marianne sourit tristement.

— Je suis condamnée, dit-elle avec des larmes dans la voix.

— Non, pas pour moi. Nous sommes deux éprouvées de la vie : l’une qui supporte l’épreuve parce qu’elle ne peut pas l’éviter, l’autre parce qu’elle le veut de sa volonté librement réfléchie ; la plus méritante n’est certainement pas la première.

Marianne, à son tour, lui rendit ses baisers.

— Tu es trop bonne, Aimée, fit-elle avec émotion, et j’apprécie bien profondément ton amitié, crois-le. Que veux-tu de moi ?

— Que tu sois exclusivement tout aujourd’hui. La supérieure le permet. Nous dînerons ici, nous parlerons du passé à cœur ouvert. Sans distraction étrangère, nous nous réfugierons dans nos souvenirs, comme deux amies. Mais pour cela je veux que tu quittes ces horribles vêtements.

Marianne jeta un regard sur sa robe de bure, aux grandes manches.

— Ce sont les miens, dit-elle.

— Allons donc, ne me dis pas ces choses-là. Mais, dans tous les cas, je veux te voir une fois, une seule fois, dans tout l’éclat de ta beauté ; je veux après, en fermant les yeux, pouvoir te suivre dans le passé telle que tu étais jadis, telle que tu seras plus tard.