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maladie de nerfs n’amène pas cette expression d’angoisse indéfinissable qu’avait Marguerite lorsqu’elle était sans connaissance, ni ce mouvement instinctif des mains se portant vers le cœur.

— Mais alors, docteur, à votre avis qu’y a-t-il à faire ?

— Ne jamais la contrarier, d’abord, ou le moins qu’on pourra. Puis obtenir d’elle qu’elle se laisse ausculter sérieusement, et faire venir le plus tôt possible de Paris, Jules Chérac, le célèbre médecin, qui la traitera mieux que personne.

— Si Marguerite consent, ce sera facile, M. Chérac est mon ami de jeunesse, je suis sûr de lui.

— Oui, mais il ne faut pas brusquer Marguerite, une contrariété grave peut la tuer sur le coup. C’est si délicat et si bizarre, ces affections-là.

Et Orphée entra dans une savante dissertation sur les maladies de cœur, sur leurs analogies ou leur similitude avec d’autres d’une nature toute différente.

Cependant, la distance est vite franchie entre le château d’Auvray et Roqueberre.

Les premiers réverbères de la petite ville vinrent frapper d’une lueur rougeâtre les vitres levées de la voiture.

À ce moment, M. de Boutin se releva subitement du coin où, muet et silencieux tout le temps du voyage, il avait semblé absorbé dans de profondes réflexions.

Il appuya sa main sur le bras d’Orphée.

Docteur, dit-il, une maladie syphilitique peut-elle demeurer cachée, sans trace visible aux regards, pendant plusieurs années, et faire irruption tout à coup sur une partie apparente du corps, au moment où on y pense le moins ?

Jacques poussa un cri ; Orphée sursauta :