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sous une couche de fleurs naturelles, les grands pins noirs, les chênes séculaires, les mélèzes sombres faisaient une ombre épaisse autour du petit torrent, où, dans le silence profond des grands bois déserts, Jacques pouvait penser et pleurer.

Ah ! quel mélange de déchirements et de bonheur, de larmes et d’espérances !… Comme il souffrait ! quels moments de révolte indicible ne se sentait-il pas au fond de lui-même !

Durant ces heures de désespoir, il errait comme un fou dans les sentiers enfouis sous les arbres, au flanc de la roche ; il écoutait le bruit d’un torrent qui bondissait de la hauteur pour aller rejoindre en minces cascatelles le ruisseau tranquille de la vallée ; il respirait la senteur enivrante de la lande que le soleil brûlait : autour de lui, tout frissonnait, chantait, vivait on était en plein été, l’exubérance des forces qui se trouvait dans toutes les choses lui montait au cœur et au cerveau ; ce ruissellement de sève et de lumière, cet épanouissement de la nature se traduisaient chez lui par des désirs de vengeances insensés, par des douleurs sans nom.

Mais le soir venait. Les brises fraîches remplaçaient les ardeurs brûlantes du jour et faisaient doucement trembler les rameaux et les feuillages ; de longs chuchotements entrecoupés et incertains passaient comme autant de soupirs au milieu des arbres agités d’une vie mystérieuse ; de chaque buisson, de chaque brin d’herbe, des milliers d’insectes laissaient échapper des bruissements harmonieux comme des chants, ou tendres comme des caresses.

Jacques se surprenait plus d’une fois à trouver un charme infini au milieu de cette solitude ignorée ; il lui semblait que tout ce qui l’entourait parlait une langue