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est déjà un praticien consommé. Il a habité longtemps Paris, où il a fait ses études ; je désire avoir son avis sur les traitements employés par moi.

— Votre science, docteur, n’a pas besoin de s’appuyer sur autrui, répondit la sœur Saint-Jean.

Et, par côté, elle regardait de travers le médecin étranger auquel elle trouvait trop de distinction et surtout trop de jeunesse.

— Eh ! eh !… ma sœur, reprit M. Rivière, vous me reprochez souvent mon entêtement, mais vous voyez bien que je ne suis pas aussi absolu que vous le dites. Ma vieille routine s’incline devant la science nouvelle à l’occasion. Je suis persuadé que monsieur guérira quelqu’une de nos malades, vous verrez.

Et la pointe de malice, qui depuis trente ans s’allumait dans les yeux du docteur, lorsque la vieille supérieure lui parlait des miracles et des saints, de Verdelais et de Lourdes, paraissait ce matin-là plus pétillante que jamais.

La religieuse laissa les deux médecins continuer leur visite. Madame Marie-Aimée les accompagnait.

La consultation commença. Marianne, occupée à l’autre extrémité de la salle, n’avait pas encore levé les yeux.

Que lui importaient les visages nouveaux ou les distractions étrangères ? C’était au fond de son souvenir et de son cœur que sa pensée constamment absorbée se repliait sans cesse. À part son devoir, le reste n’existait pas pour elle.

Cependant, à mesure que les formes noires qu’elle entrevoyait du coin de l’œil, s’avançaient de son côté, une agitation inconnue faisait battre son cœur et trembler ses mains.

Tout à coup, il lui sembla que la vie l’abandonnait.