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Le troisième, comme j’étais seule, il entra chez moi. Il était blanc comme un suaire ; les battements précipités de mon cœur me firent deviner ce qu’il avait à me dire. Il venait me proposer de partir avec lui, d’aller en Amérique où il prendrait du service.

— Tu porteras mon nom qui est le tien, me dit-il, tu seras partout et toujours ma femme honorée et respectée, veux-tu ?

Non, je ne voulus pas, le devoir me clouait là ; je ne pouvais pas le déserter.

Je demeurai, et il me soutint de sa présence, de son autorité, de son affection.

Cet amour, dont nous ne parlions jamais, était notre force et notre vie. En dehors de nous, rien n’existait. Et cependant, je suis restée sa sœur ; jamais sa main n’a pressé ma main ; jamais ses lèvres n’ont effleuré les miennes.

— Le jour de la délivrance sera celle du bonheur, disions-nous tout bas, sans même nous l’avouer.

Elle arriva enfin, cette délivrance que la rigidité de nos lois implacables nous forçait à désirer.

Dans un an, je devais porter son nom ; tu as aimé, Marianne, tu dois comprendre mon bonheur.

Il y avait encore quelque mois à attendre, lorsque la guerre d’Italie éclata, Henry dut suivre l’état-major dont il faisait partie ; il avait vingt-sept ans, il était capitaine.

Quelques semaines après, je recevais un ruban bleu qui attachait mes cheveux lorsque j’étais enfant, et une croix d’honneur entourée d’un crêpe.

Elle tira de sa poitrine une croix dont l’émail était écaillé par le passage d’une balle.

— Voilà dit-elle, lentement, tout ce qui me reste de