Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/266

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Marianne suivit ses conseils et essaya d’user de son influence sur tout ce qui l’entourait. Elle réussit pleinement.

Avec une persévérance et un courage de tous les instants, elle mit au service de son œuvre nouvelle ce charme pénétrant et infini qui n’appartenait qu’à elle.

Rien ne la rebutait : elle cherchait partout la note vibrante, le coin resté pur dans l’âme la plus gangrenée, elle s’étudiait à faire du bien, de la manière la plus intelligente et la plus élevée.

Elle s’associa alors à la vie de madame Marie-Aimée, qui, ne croyant plus au bonheur, voulait encore être utile en rendant à la société des femmes honnêtes à la place des créatures perverses que la justice envoyait dans le triste milieu où elle avait enseveli son désespoir.

Toutes deux se comprirent ainsi, sans se parler le plus souvent, et entre la grande dame brisée par la douleur et la misérable condamnée, ployée sous sa honte, il y eut un échange de sympathie et d’estime d’abord, plus tard d’ardente et silencieuse amitié, qui plus d’une fois adoucit les heures découragées de leur vie solitaire.

Soit par l’influence de la sœur, soit par toute autre raison, au bout d’un certain temps, le directeur nomma Marianne contre-maîtresse d’atelier.

Dans ce nouveau poste, elle se dévoua plus que jamais, donnant l’exemple du travail, gardant pour elle le plus ingrat, finissant la tâche des inhabiles ou des paresseuses, se faisant adorer par tout ce qui l’entourait.

On l’avait autorisée à dire son nom, et au lieu d’être un numéro quelconque, on l’appelait mademoiselle Marianne.