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aucune règle ; ses désirs étaient des lois, ce qu’elle avait décidé était parole d’évangile.

Elle allait où elle voulait dans la maison, triste, silencieuse, elle paraissait en proie à un désespoir dont elle n’avait jamais parlé.

Jusqu’à l’arrivée de Marianne, elle n’avait semblé s’intéresser à rien autour d’elle. Mais depuis le jour où elle avait emporté la croix d’honneur, on la surprenait attachant sur la prévenue des regards chargés d’intérêt et même de sympathie.

Elle avait voulu savoir l’histoire de sa condamnation, on l’avait demandée pour elle. Elle avait lu le compte rendu des débats.

Quand elle était arrivée, au moment où Jacques éperdu ne voulait pas la voir partir après le jugement, elle s’était écriée :

— Quel courage !… Ah ! je l’avais bien deviné !

Ses autres impressions, nul n’avait pu les connaître. On n’insista pas, mais la supérieure remarqua qu’une tristesse plus grande l’envahit peu à peu.

Un jour, dans une des salles de la maison d’arrêt, après une scène de mutinerie que quelques paroles de Marianne apaisèrent subitement, Marie-Aimée conseilla à la prisonnière de s’occuper de ses tristes compagnes.

— Le mystère qui vous entoure, lui dit-elle, votre dignité silencieuse, votre bonté pour ces malheureuses femmes les intéresse et les bouleverse. Profitez de cette sympathie ; il y a là beaucoup de bien à faire, et à coup sûr une œuvre digne de vous à tenter. C’est ma tâche actuelle, mais vous la remplirez peut-être mieux que moi.

— Vous me jugez trop bien, ma sœur, fit Marianne confuse.

— Pas encore autant que vous valez, répondit la religieuse.