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— Adieu, murmura-t-elle, adieu, je te quitte parce que j’ai été fidèle.

Elle tendit la main, la sœur prit la relique : mais à peine l’eut-elle regardée qu’elle devint plus pâle que la prisonnière.

— Ah ! cette croix d’honneur ! s’écria-t-elle, malheureuse enfant, est-ce donc un souvenir si précieux pour vous ?

Marianne ferma les yeux.

— Il m’est plus cher que la vie, répondit-elle mourante. Je ne compte plus mes sacrifices, emportez-le.

Mais la sœur chancelait.

— Vous aviez un fiancé, peut-être ! balbutia-t-elle.

La jeune fille fit signe que oui.

— Et… il n’est plus ?… Et cette croix lui appartenait ?

— Non, mon fiancé m’attend, cette croix est la seule chose qui me reste de mon père mort.

Deux larmes roulèrent sur ses joues, comme deux perles de cristal sur les traits de marbre d’une statue. Sa taille s’était relevée en prononçant ces simples mots, son accent était grave, profond, recueilli.

La sœur la considéra un instant, puis elle s’approcha, prit sa main et plongea son regard clair dans les yeux noirs de Marianne, comme si elle avait voulu lire au plus profond de son cœur.

Peu à peu la rigidité hautaine de sa physionomie s’assouplit, un rayon humide et attendri vint éclairer son grand œil bleu :

— Toi, dit-elle tout à coup, on t’a méconnue ou tu t’es sacrifiée !…

Marianne tressaillit des pieds à la tête.

— Qu’en savez-vous ? demanda-t-elle.

— Ah ! fit la religieuse en portant les deux mains à