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Non, ni l’amour de Marguerite ni le tien ne combleraient de tels vides, il vaut mieux que je parte. D’ailleurs, à quel homme sur terre oserai-je confier le secret de ma mort. Je n’en connais pas. N’insiste pas, Marianne, c’est inutile.

La jeune fille tordit ses mains.

— Inflexible !… s’écria-t-elle. Ah ! rien ne pourra donc le désarmer !… Mon Dieu ! Mon Dieu !…

Les forces de M. de Sauvetat s’en allaient rapidement ; d’intolérables souffrances lui arrachaient de faibles cris.

Blanche crut le dernier moment arrivé, elle sortit de l’ombre où elle s’était réfugiée.

— Grâce, répéta-t-elle, je me ferai l’esclave de ta fille, la servante de Marianne, oh ! pardonne, Lucien, pardonne !…

Mais lui, comme si cette voix lui eût rendu ses forces avec sa haine un instant assoupie :

— Jamais, dit-il, pas même après ma mort. Des précautions sûres sont prises, et si vous ne savez pas conserver à Marguerite un nom intact, Marianne a dans les mains de quoi me venger. Mais à défaut de cœur ou de sens moral, l’orgueil peut-être, dans tous les cas la peur, vous feront marcher droit. Je veux que Marguerite soit heureuse ; je veux que vous abandonniez tous vos droits sur elle, jurez-le.

— Je le jure, répéta Blanche d’une voix tremblante ; j’aime Marguerite par-dessus toutes choses ; Lucien, encore une fois, pardonne !

Elle voulut saisir ses mains déjà froides. Une horrible expression de dégoût s’empara de M. de Sauvetat, il se recula.

— Ah ! vipère, s’écria-t-il, soyez maudite.

Puis tout à coup ses joues se colorèrent, un frisson