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On introduisit de nouveau l’accusée, le président lut la sentence.

— La fille Marianne, reconnue coupable, avec circonstances atténuantes, était condamnée à vingt ans de travaux forcés.

Ces mots furent accueillis par de violents murmures ; il fallut faire évacuer la salle, chose à peu près impossible, vu le peu de forces dont disposait le tribunal.

M. de Boutin, fou de douleur, se retourna vers la condamnée, elle lui tendait la main :

— Je vous le confie, murmura-t-elle en lui montrant Jacques.

Celui-ci voulait la suivre comme c’était son droit d’avocat ; mais inerte sur son banc, ses forces, trahissant sa volonté, il ne put se lever.

Elle se pencha vers lui.

— Adieu ! dit-elle tout bas, je suis à toi pour la vie et pour l’éternité, courage !

Au son de cette voix, il se trouva debout, mu comme par un ressort. Il se retourna, tendant les bras vers elle, et au moment où elle allait franchir la petite porte où le brigadier de gendarmerie l’attendait :

— Ah ! s’écria-t-il, le bagne, l’infamie, pour elle !… Non ! non !… Marianne, Marianne, je ne veux pas !…

Il battit deux fois l’air de ses mains, ses yeux se fermèrent, et, au milieu d’un rauque sanglot qui s’éteignit dans sa bouche contractée, il tomba de son haut, sans mouvement aux pieds de la cour et des jurés qui n’avaient pas encore évacué leurs bancs.

Marianne s’était arrêtée et avait tout vu.

Sa figure, blanche comme un suaire, se contracta, elle ouvrit la bouche :

— Jacques, s’écria-t-elle, tu le veux ! entends-moi !

Par un geste solennel, elle étendit la main :