Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Sauvetat n’avait pas laissé échapper le moindre tressaillement.

Marianne chancela, ses traits se contractèrent horriblement, mais pas un mot ne sortit de ses lèvres.

Madame de Sauvetat tomba à genoux, appelant son mari, lui prodiguant toutes les expressions d’une folle tendresse, mêlant à des protestations d’amour infini des sanglots, des cris, des spasmes sous lesquels elle se tordait tout entière. Les deux vieux serviteurs affaissés dans leur douleur priaient et pleuraient. M. Delorme se mouchait bruyamment, seule Marianne contemplait cette scène avec une sorte de farouche dédain.

En revanche, au moindre frémissement du malade sa pâleur déjà si grande augmentait encore, son sein ne battait plus, on eût dit sa vie suspendue au souffle de celui qui se mourait.

Enfin M. Delorme se leva :

— Ma présence ici n’est plus nécessaire, dit-il. J’ai promis à madame Sembrès d’aller chez elle ce soir, sa fille a le croup. Adieu, Madame.

Madame de Sauvetat regarda le docteur d’un air presque épouvanté.

— Vous le quittez ? demanda-t-elle. Oh ! docteur, je vous en supplie, restez.

— Je ne le puis pas, Madame ; cependant si vous le désirez aussi vivement, dans une heure, je serai de retour.

— Oh ! oui, revenez le plus vite possible, qui sait si votre science ne fera pas un miracle.

Le docteur hocha douloureusement la tête ; et tandis qu’il s’éloignait accompagné du valet de chambre, il put entendre les sanglots de Blanche dont le désespoir semblait redoubler de violence.