Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/207

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’idée de blâmer le grand seigneur millionnaire qui assurait la vie de celle qui avait élevé sa fille.

Ces choses-là ne se voient-elles pas chaque jour dans les grandes familles, et ne sont-elles pas comprises de tous ?

Alors, avec une implacable logique, le jeune homme prend chaque fait relevé par l’accusation, il les commente, les explique, et vraiment, aux accents de sa mâle éloquence on se sent entraîné, ébloui ; l’accusation semble tomber en poussière, la conviction qui remplit son âme passe dans l’auditoire.

Il s’assied, le président, les huissiers, rien ne peut contenir les applaudissements qui éclatent de toutes parts.

Le ministère public réplique.

Il rend hommage au talent, au caractère de Jacques ; mais a-t-il porté une seule preuve évidente de l’innocence de sa cliente ? Non. Il est sous le charme, c’est sûr ; malgré cela, le crime est là, palpable et visible. Et dans une brillante péroraison, il soutient plus que jamais l’accusation.

Jacques, à son tour, ajoute quelques mots ; il veut à tout prix effacer la mauvaise impression que les dernières paroles de l’avocat général ont fait naître dans l’esprit des jurés.

Mais l’énergie humaine a des bornes. À chaque minute, les sanglots lui coupent la parole.

Cette émotion lui sert peut-être mieux que la plus chaleureuse éloquence. Toutes les femmes pleurent. Au fond du prétoire, de longs et sourds murmures se font entendre. On propose sérieusement d’enlever Marianne et de la rendre à Jacques.

Seuls, les jurés, esprits positifs et peu accessibles à toutes les émotions, ne se laissent pas si facilement